Dôme du millénaire, appelé pour raison commerciale Arena 02, était le théâtre de l’exposition des livrées 2025 des monoplaces F1. L’occasion de découvrir que la nouvelle Mercedes W16 n’avait plus de rouge et beaucoup moins d’Ineos sur sa carrosserie. L’illustration d’une tension réelle en coulisse entre le géant pétrochimique et le groupe Daimler.
Une tension venant d’un article du Telegraph en début de semaine, qui a provoqué (chose rare pour l’écurie de Brackley) un démenti assez vif sur le fait que INEOS était un partenaire fidèle de l’écurie allemande : « Il n’y a eu à aucun moment de discussions sur un changement d’actionnaire et le sponsoring avec Ineos est en cours et stable. » Sauf que lors de la présentation de la W16, hier soir, le sponsoring stable était assez discret. Ce démenti ne venait pas de Toto Wolff (un démenti du patron autrichien, signifie en général que les conditions ne sont pas encore remplies pour un accord), ici le démenti vient de l’écurie en elle-même. Ce qui interroge. Et pour raison.
INEOS et Mercedes AMG F1 est un accord de sponsoring remontant au début d’année 2020 et d’une durée de cinq saisons pour un total de 125 millions d’euros. La présence de la société pétrochimique était visible sur les monoplaces allemandes sur la boite à air. Deux évolutions sont intervenus par la suite de cet accord initial. En décembre 2020, soit exactement 11 mois après l’accord de partenariat. INEOS entre au capital de l’écurie Mercedes AMG F1 à hauteur de 33% pour une somme de 250 millions d’euros. Les discussions avaient débutées en Juin de la même année et tout a été rapide. D’ailleurs, avec Jim Ratcliffe, le propriétaire d’INEOS, tout est rapide. Toto Wolff va s’en rendre compte et agir en bon patron. Lorsque Lewis Hamilton négocie une prolongation de contrat pour 2022 et 2023. Les discussions sont longues et Toto Wolff propose à Ratcliffe de payer 50% du salaire d’Hamilton. Cela coutera 23 millions par saison, puis 30 millions en 2024 à la société anglaise. Portant l’investissement annuel sur la F1 entre 48 et 55 millions d’euros dans le budget de l’écurie allemande.
Un changement de cap stratégique
The Telegraph (article payant, mais voici un lien gratuit) explique qu’en 2024, des discussions ont eu lieu entre INEOS et Daimler concernant la reprise des actions du premier par le second. L’écurie Mercedes AMG F1 étant évalué 4,3 milliards d’euros, les 33% détenue par la société anglaise ont une valeur de 1.4 milliards. Mais pourquoi se désengager ? Et est-ce vrai cette histoire ?
A la première question, INEOS entreprend un vaste plan de désengagement dans le sport. Se désengagent du cyclisme, ralentissant dans la voile, réduisant l’investissement en F1 et en litige contre la New Zealand Rugby qui a récemment confirmé qu’elle avait l’intention d’une action en justice contre INEOS pour avoir mis fin prématurément à son accord de sponsoring de six ans. Ce dernier a été conclu en 2021, pour une valeur estimée à environ 4.5 millions d’euros par an et a permis d’apposer le logo de l’entreprise sur les vêtements d’entraînement et les shorts de match des ALL Blacks. L’ambiance est lourde et la principale cause est l’investissement dans Manchester United. Un gouffre, Jim Ratcliffe a injecté plus d’un milliard d’euros dans le rachat d’action (il dispose désormais de plus de 30%) et promet un autre milliard pour la construction d’un stade de 100.000 places. Mais dans le même temps, la valeur de Manchester United à chuté de 20% en 2024. Soit une perte comprise entre 800 et 900 millions. Avec une fortune personnelle ayant fondue comme neige au soleil, passant 21.1 milliards d’euros en 2023 à désormais moins de 15 milliards en 2025, selon le magazine Forbes, l’homme doit changer de stratégie d’investissement et a décidé d’investir dans le monde du football. Visant un rachat total à terme de Manchester United. Mais pour cela, il lui faut ses parts dans Mercedes F1 Team.
Un changement majeur dans l’organisation de l’écurie Mercedes
Le 31 Octobre 2024, un mémorandum de 44 pages est déposé par l’écurie allemande. Dans ce document mis à jour l’article 17, à la page 19 donne une indication étonnante, démontrant un mouvement avenir. En effet, alors que tout est stable, l’article 17.2 indique :
« Si le pourcentage d’un actionnaire ordinaire est inférieur à 25% des actions ordinaires émises mais égales ou supérieures à 10%. L’actionnaire ordinaire aura le droit de nommer un administrateur au Conseil d’administration (au lieu de 2 administrateurs). Si le pourcentage de participation d’un actionnaire ordinaire est inférieur à 10% des actions ordinaires émises, l’actionnaire cessera d’avoir le droit de nommer un administrateur au Conseil d’administration. Si le pourcentage de participation d’un actionnaire ordinaire dépasse 50% des actions émises, l’actionnaire ordinaire aura le droit de nommer 3 administrateurs. Et s’il dépasse les 70 pour-cent, l’actionnaire ordinaire aura le droit de nommer 4 administrateurs. »
Il y avait 6 administrateurs jusqu’à présent, chacun des trois actionnaires avaient droit à deux représentations au conseil d’administration ; comme l’indique clairement l’article 17.1. Un changement qui laisse entendre une prochaine cession d’action dans le capital de l’écurie.
Tout est en place pour un désengagement progressif d’INEOS dans le capital de Mercedes Grand Prix Ltd. Une cession de 15% pourrait rapporter à Jim Radcliffe environ 800 millions d’euros et lui permettrait de garder encore 18% d’action. De son côté Daimler pourrait monter jusqu’à 49% du capital.
Toujours présenté comme Principal Partner, l’investissement sponsoring d’INEOS sur la W16 sera toutefois réduit ou alors correspondant à un pourcentage de cession d’actions dans l’écurie Mercedes AMG F1. Cette démarche a déjà été entrevue par le passée.
Avant Poste est une rubrique sur le Business / Book GP qui anticipe et veille sur les pratiques commerciales des marques et actionnaire des écuries, présentent en Formule 1.