En parlant de Flavio Briatore, Eddie Jordan a indiqué que l’italien avait « une baguette magique. » L’intéressé même a indiqué qu’il était un magicien. Depuis son retour comme « consultant » Flavio Briatore dispose d’un ensemble de commentaire cultivant un mythe.
L’occasion d’analyser sa méthode de management.
Un paradoxe entre le discours et la position au début.
Lorsque Briatore arrive chez Benetton en 1989, il est alors simplement que le responsable commerciale de l’écurie anglo-italienne. Au bout de deux mois, son influence débutait et le Team Principal de l’époque, Peter Collins a démissionné pour laisser place à l’italien, qui est devenu seul maître à bord. Même histoire avec le retour de Renault, Briatore reste discret, se cachant derrière l’identité Benetton entre 2000 et 2001, pour reconstruire le projet qui deviendra Renault en 2002.
Dans les deux cas, l’italien parle comme le patron, mais sa position est volontairement plus modeste et le discours du retour est le même :
- Il retrouve une écurie qui n’est plus une écurie de compétition.
- Le moral est bas, l’organisation mauvaise.
- Il faut tout reconstruire.
- Le travail encore le travail.
Les mots ne datent pas de 2024, mais de 2005, lorsqu’il analyse son retour à Enstone après le premier titre de Renault en F1 et même Benetton à l’époque (« aucune vision, équipe en mode administration, aucun idéal, rien à tirer. »)
Dans les trois situations, en comptant celle de 2024, il se met dans une situation de sauveur, mais son rôle dans l’organigramme est ambiguë. Ainsi, lorsqu’il indique qu’Alpine ne jouera pas les podiums avant 2027, le plan rappelle son discours de 2002, lorsque l’homme avait indiqué que d’ici trois saisons, l’écurie Renault serait dans une position de Top Team. L’histoire a montré qu’il respecte les objectifs.
Miser sur les potentiels et la jeunesse
Reprenant à son compte l’histoire de Bernie Ecclestone, lorsque ce dernier en ayant racheté l’équipe Brabham en 1970, a consulté Ron Tauranac (le patron technique de Brabham), pour lui demander qui garder et qui virer dans l’atelier. L’ingénieur vétéran avait désigné le jeune Gordon Murray comme le premier à virer. Ecclestone a gardé Murray et viré tout les autres, y compris Tauranac. Briatore fait pareil. D’abord pour des raisons économiques et ensuite afin que l’ensemble puisse être facilement managé selon son envie de contrôle. Son recrutement est d’abord dans les profils discrets, cachés par les autres équipes et ayant un fort potentiel.
Il fait la même chose pour les pilotes. Une subtilité toutefois : il mise d’abord sur un profil jeune et ensuite le complète par un profil « mentor », et non le contraire. Dans ce cas, le projet à de l’ambition et le plan est clair. Dans le cas d’Alpine, il a d’abord renouvelé Pierre Gasly et ensuite misé sur le rookie Doohan. Montrant que nous sommes dans une période de transition.
Le rapport à l’erreur
Lorsqu’il parlait des moteurs V10, 2001/2003 et celui de 2004, Flavio Briatore disait : « Les gars ont compris ce que l’on attendait d’eux, en l’occurrence faire des moteurs de courses et non plus des moteurs de développement. Il ne s’agit pas de problème de compétence, mais de management. » Un air de déjà vu avec 2024 ?
« Je ne suis pas du genre à accorder une seconde chance : quelqu’un qui a commis une erreur la répétera alors mieux vaut le changer. » disait’ il en 2005. Le discours n’a pas changé, dans le podcast de Nico Rosberg (visible sur Youtube) pendant en 2020, à propos de ses affaires dans la restauration. Le rapport avec l’erreur est sans pitié : Il faut changer.
Lorsque fin 1990, l’équipe Benetton avait remporté 2 victoires en fin de saison, quelques mois plus tard, Briatore avait viré tout le monde pour renégocier chaque contrat, même celui de Nelson Piquet. Enfin, en 1996, alors qu’il avait deux anciens pilotes Ferrari dans son écurie (Jean Alesi et Gerhard Berger), Briatore les avaient recadrer à la mi-saison (lire cette savoureuse histoire en cliquant ici), pour qu’ensuite les deux pilotes subissent une baisse de salaire pour 1997.
La culture de l’usine
La culture est simple : Briatore laisse libre à chacun des membres de l’équipe de faire ce qu’il veut. Il n’y a que le résultat qui compte à la fin. Juste le résultat des objectifs comme indicateur et Briatore a le dernier mots et à toujours raison. C’est un fait grâce au simple indicateur de résultat.
La course et la course. Son premier acte est souvent de nommer un second proche de la course, pour qu’il puisse se concentrer sur le reste. Tom Walkinshaw et Pat Symonds sont l’équivalent de Oliver Oakes aujourd’hui. Des hommes qui font respecter l’ordre dans l’usine.
Concrètement, Briatore est un homme de Marketing. Son objectif : Vouloir une monoplace qui roule vite, pour créer de la notoriété. Respecter la progression du plan, qui attire l’attention des sponsors, pour financer l’écurie.
Dans les faits, les plans sont de 3 à 5 ans et pas plus. Une fois que le plan est validé dans son intégralité, Briatore est en difficulté pour l’après.
Des stars, mais avec un objectif
Lorsque Nelson Piquet signe chez Benetton en 1990, l’ambition était la même que lorsqu’il a embauché Jean Alesi et Gerhard Berger en 1996 : Mettre en avant la marque Benetton qui les employaient.
Si Briatore signe des jeunes pilotes et construit une écurie autour d’eux, l’équipe devient à chaque fois antipathique et c’est le pilote qui gagne et non la monoplace. Cela a été le cas pour Michael Schumacher chez Benetton et Fernando Alonso chez Renault. La signature de stars, permets de rester à l’avant-poste au profit de la marque qui mise en avant.
Côté technique, lorsqu’il signe le célèbre ingénieur John Barnard en 1990, avec un contrat de 1 million de dollars par saison, une fois qu’il a obtenu ce qu’il a voulu, il casse l’accord. Cela est arrivé en 1991 avec Barnard, comme il a laissé partir Mike Gascoyne chez Toyota en 2003 et qu’il n’a pas renouvelé le contrat de Jean Alesi en 1998 ou qu’il n’a pas souhaité faire de surenchère pour les contrats de Schumacher et Alonso. Briatore estime que le cycle est terminé. Il faut passer à autre chose. Les stars servent les intérêts de l’équipe (via un gros salaire) et non le contraire.
Le commerce, le commerce et le commerce
De ses deux passages précédents en F1, Flavio Briatore a toujours utilisé le paddock pour faire du commerce. Acheter une écurie, vendre des moteurs, faire du management de pilote, consultant pour sponsor, constructeur, ou la télévision. Commerce de droit TV en Espagne ou pour un potentiel sponsor de l’équipe. Briatore est un homme d’affaires.
Agissant depuis 2010 comme un intermédiaire à l’ancienne dans le monde des Grand Prix, il conseille toujours Fernando Alonso, a été l’homme derrière la signature du GP d’Azerbaïdjan et il était le conseil de Luca di Montezemolo à l’époque de Fernando Alonso et Luca di Meo chez Renault depuis 2021 (comme il l’avait été il y a 25 ans). Pour l’opération Alpine, on lui prête l’intention de toucher une commission sur un possible rachat à terme. Peut-être, nous verrons.
Je vous invite à écouter l’histoire de Benetton entre 1990 et 1997, disponible sur Youtube en cliquant ici. ou en écoutant le premier épisode de 1990 ci-dessous