Si la saison 2024 n’est pas encore à la hauteur des espoirs placées en elle, le développement de l’écurie Aston Martin entre 2021 et 2023 est un modèle qui influence grandement le paddock F1. Au point d’être considéré réellement comme un top team, tout en favorisant une vision court terme des plans de développements aujourd’hui.
Quatre piliers de développement doivent être compris :
Pilier 1 : Le développement châssis
Pour comprendre l’évolution d’Aston Martin, il faut remonter à sa brève période Racing Point débuté en 2019. Lawrence Stroll mandate alors l’écurie pour augmenter la compétitivité en appliquant au mieux la réglementation. Le modèle 2020 est une réplique de la Mercedes AMG W10 de 2019. Alias la Mercedes rose. Immédiatement la compétitivité s’est annoncée avec pole position Lance Stroll et victoire pour Sergio Perez. En coulisse, le budget n’était pas au niveau de ses performances, provoquant un profond débats dans les écuries.
Pour 2021, l’écurie a appliqué la même stratégie que l’année d’avant. Mais en rentrant dans le rang. En 2022, la direction technique qui se construisait a décidé de faire un modèle classique et adaptatif. C’est ainsi que l’AM22 a imité à la fois Ferrari et Red Bull durant la même saison. Puis l’embauche de Ron Fallow, en direction de Red Bull, a permis de construire l’AM23, qui était une réplique de la Red Bull RB18 de l’année précédente.
En cela, le modèle que Stroll applique est celui de Stewart-Ford entre 1997 et 1999. A savoir : copier le modèle qui fonctionne de l’année précédente et grandir. Toutefois, le modèle a ses limites concernant le développement de la performance. Car si la conception est privilégiée, l’année 2023 et ce début de saison 2024 démontre un déficit dans la partie de développement aérodynamique par exemple. L’ambition toutefois sera de s’affranchir en 2026 du plan initiale pour construire son propre univers châssis en épousant la nouvelle réglementation technique FIA.
Pilier 2 : les pilotes
Depuis le début de l’aventure Aston Martin, Lawrence Stroll privilégie le profil d’un pilote champion du monde. Sébastian Vettel a signé pour deux saisons et désormais c’est Fernando Alonso qui prolonge ce rôle au sein de l’écurie. Cela permet d’attirer l’attention sur soi, d’avoir une personnalité et une culture de la gagne plus solide, alors que l’écurie est en construction.
L’autre choix important est celui de Lance Stroll. Si contestable pour beaucoup qu’est le choix, il est logique pour plus d’un titre pour le projet. Dans un premier temps, cela permet d’installer l’idée qu’il faut laisser du temps à un jeune pilote pour apprendre. Loin du système Red Bull, qui favorise le talent immédiat. Beaucoup de vainqueur de F1 l’on été tard dans leur carrière. D’ailleurs, la rumeur à Silverstone est que Lance Stroll a un plan des 30 ans. Estimant que Jenson Button, Nico Rosberg et Mika Hakkinen ont été champion du monde entre 29 et 31 ans. L’objectif est d’accompagner le pilote canadien pour l’inscrire au sommet de l’histoire de la F1 avec Aston Martin. Soit un plan ayant une durée jusqu’en 2028.
Pilier 3 : Les infrastructures
Le développement de l’usine de 18600m2 à Silverstone, annoncée en 2021 a été un séisme dans le paddock. C’est la première fois en 20 ans qu’une écurie lance un projet aussi important. L’idée reçue était de développer l’existant. L’influence a été telle que chaque écurie a désormais un plan de modernisation et agrandissement de son usine pour les 20 prochains mois.
Plus intéressant, le bâtiment de détente du personnel, qui est au cœur du projet Aston Martin à Silverstone, est tout simplement reproduit dans les autres usines. Un détail qui a son importance, à l’heure ou la santé mentale des mécaniciens et ingénieurs durant une saison F1 est toujours un débat sourd.
Pilier 4 : Marketing
Aston Martin est une marque de voiture de sport et luxe, connu dans le monde entier pour être le véhicule des aventures de l’espion de sa majesté, James Bond au cinéma. La victoire au 24h du Mans remontant à 1959, le passée est désormais trop lointain et il faut reconstruire une image sportive. Aston Martin a décidé d’imiter McLaren dans son approche marketing entre 2021/2022/2023, puis tente de s’institutionnaliser en 2024. D’ailleurs le budget a doublée entre 2021 et 2024, passant de 170 millions d’euros à près de 340 millions d’euros, selon nos estimations.
La motorisation Mercedes AMG est aussi une logique industrielle, car le groupe Daimler est actionnaire à hauteur de 20% dans le capital du constructeur Aston Martin Lagonda. Être ainsi motoriser par le constructeur allemand en F1 est en droite ligne de la propulsion des Vantage et DBX de route aujourd’hui qui ont un moteur AMG.
Le jeu d’influence dans le paddock
Ainsi l’influence est réelle, chez Audi, Visa Cash App et Alpine par exemple. Le constructeur allemand cherche à construire une offre châssis similaire à ce qu’a construit Aston Martin sur la période 2021/2023. A savoir, une évolution du présent en 2025, un projet fiable et modulable en 2026 et une copie du modèle dominant en 2027. Cela donne du sens aux propos du directeur technique, James Key, qui donne 2027 comme objectif de compétitivité réel. Aussi s’inspire aussi de l’écurie anglaise concernant les pilotes. La signature d’un vainqueur de GP ayant un fort potentiel marketing est similaire à signer un champion du monde en fin de carrière. Par contre, la signature de Nico Hulkenberg n’a qu’une valeur de masquer le passée de l’écurie pour construire l’avenir avec un jeune pilote made in Audi (et non ailleurs) à partir de 2026.
Même chose pour Visa Cash App, avec la construction du châssis actuel sur le modèle Racing Point 2020 en s’inspirant du modèle Red Bull de 2022/2023. La signature de Daniel Ricciardo a le même impact qu’un champion du monde comme Vettel et la prolongation de Yuki Tsunoda est similaire à celle de Lance Stroll. On annonce un projet d’usine nouvelle pour l’écurie (en Italie ?) et le marketing a été très agressif cette saison 2024.
Côté Alpine, dans la réflexion sur l’avenir et en disposant d’un moteur client, la stratégie est une copie totale d’Aston Martin en réalité.
En 2021, Lawrence Stroll avait indiqué son souhait pour Aston Martin F1 Team était d’apporter une image transformatrice, bien dans l’ère du temps. Mission accomplie.
Ses résultats en trois saisons, inspirent les Team Principaux du paddock, avides de performances immédiates. Mais favorise, non plus des projets comme pouvait le faire Ron Dennis, Flavio Briatore ou Jean Todt avec des missions de 5 ans. Mais désormais le résultat est visible en 3 ans, alors qu’avant cela relevait de l’utopie. Les ingrédients sont simples et sont désormais copiés ici et là. Chacun à sa manière, mais l’influence est réelle.
Côté pilote, Aston Martin est une équipe n’ayant qu’un seule volant de disponible, car le projet autour de Lance Stroll est aussi de casser le principe inspiré depuis 20 ans par Red Bull avec ses jeunes pilotes : Il faut donner du temps et non miser uniquement sur des génies du pilotage. Ainsi, Charles Leclerc prolonge l’aventure chez Ferrari, McLaren mise sur Lando Norris, Yuki Tsunoda a fait 4 saisons dans l’écurie de Faenza, comme Pierre Gasly avant lui. Mercedes accorde du crédit au jeune Kimi Antonelli pour construire sa carrière avec l’écurie allemande, comme elle a donnée du temps à George Russell. D’autres estiment leurs jeunes pilotes comme un projet de développement et plus comme des copies de Max Verstappen.
Coté usine, tout le monde s’inspire de la conception de l’usine Aston Martin pour moderniser leur outils, tout en opposant son architecture à celle convertie vers la performance pure que proposait Red Bull à Milton Keynes.
Enfin côté marketing, Aston Martin construira sa prochaine sphère d’influence, aujourd’hui dominée par McLaren depuis 2018, en explorant de nouvelles opportunités, dans l’aspiration de son contrat avec la société Conigzant (qui était un revenus sponsoring indexé à l’augmentation de valeur de la société). Ce sera un chantier futur, pour le développement d’Aston Martin et le dernier axe pour Lawrence Stroll dans son projet d’influence dans le paddock.