L’Extime Lounge du Terminal 1 de l’aéroport Charles de Gaulle inondait de lumière en ce milieu de matinée. La couleur violette, mélangée au noir du bois d’apparence haut de gamme des meubles. L’endroit est stylisé. Le lieu des voyageurs de luxe en transit.
Sir Richard Brown est décalé. Ce n’était pas l’habitude de son interlocuteur d’organiser un rendez-vous le mardi. D’habitude le samedi matin est le moment choisi, avant que l’homme reparte de l’autre côté du chanel vivre sa vie de famille. Du moins le semblant de vie de famille qu’il a. L’agitation autour d’Alpine F1 Team annonce un univers qui se dessine dans l’esprit de chacun. La guerre est visible. La tension est montée d’un cran depuis Monaco et tout le monde souhaite sortir vainqueur de la mutinerie.
Assis côte à côte au Extime, il n’y avait pas beaucoup de monde ce mardi matin. Un couple, probablement un assistant et sa patronne. Le comportement du jeune homme par rapport à cette dernière est celui d’une personne souhaitant la reconnaissance et de l’affection maternelle. Au fond, un homme au téléphone s’agite. Il est visiblement en retard et parle un franc-glais assez technique. Un jargon pour garder la face. Le retard est mal perçu en Angleterre. La ponctualité est symbole de sérieux et de respect. 8 min de retard à un rendez-vous et vous êtes jugé. Alors 4h… j’ose imaginer les dégâts.
Calmement installé, Eric Canik porte à ses lèvres un cappuccino copieux. Il n’avait pas attendu Sir Richard Brown, comme à son habitude d’ailleurs. Lorsque ce dernier arriva à son niveau, il ne le salut pas en se levant.
– Bonjour Richard, installe-toi, j’ai beaucoup de choses à te dire.
L’attitude de Canik avait toujours amusé Sir Brown depuis la première fois qu’ils se sont rencontrés, il y a plus de cinq ans maintenant. Homme d’affaires est propriétaire d’un fond activistes ayant des investissements dans plusieurs sociétés industrielles françaises. Une différence s’impose toutefois en comparaison de ses concurrents : Le fond KniQ Capital Partners ne fait pas dans la tragédie pour satisfaire ses clients. Sa culture du long terme s’impose. Héritage Confucianiste par sa mère.
Posant délicatement sa tasse sur la table basse, Canik plonge son regard dans celui de Sir Brown.
– Les français ont du travail pour remettre de l’ordre dans la maison. Enstone et Viry-Châtillon ne travaillent pas ensemble. Chacun accuse l’autre et cela prend des proportions nouvelles aujourd’hui.
Sir Richard Brown commanda un café et Canik un deuxième cappuccino.
– Les deux clans développent de fausses informations l’un envers l’autre. Enstone diffuse l’information qu’elle doit trouver un nouveau moteur en 2026, tandis que Viry fait croire que l’écurie est à vendre. Chacun choisis son camps médiatique. Les médias anglais, les français, les médias allemands.
Sir Brown avait aussi remarquer cela.
– J’ai effectivement remarquer qu’Alpine utilise les médias français uniquement comme témoin de ses actes.
– Oui, pour éviter le jugement et la pression supplémentaire. Chacun à sa place et l’équipe contrôle le calendrier de ses décisions. Il ne faut pas que le feux se développe aussi chez soi et que cela polarise les fans français. Tant que c’est sur les réseaux sociaux, ça va. C’est de l’agitation.
En effet, lors de la sanction envers Estéban Ocon, la polarisation était visible. Entre les Pros et les Antis. Sir Richard Brown regardait autour de lui. Le serveur arrivait avec la commande. La salle commença à se vider progressivement. Après une deuxième tasse, Canik repris son récit.
– En réalité ce n’est pas si loin que cela de la réalité les rumeurs. Tu as remarqué comment un média comme The Mirror et d’autres quotidien anglais parlent de l’équipe Alpine ? Elle l’appelle : L’équipe de Ryan Reynolds. Cela dure depuis le début de saison 2024. Le nom d’Alpine se dilue, pire il disparait, comme pour préparer les esprits à quelques choses. Rendant les rumeurs anglaises de vente crédible. Vu que la direction ne réagit pas sur cet aspect marketing et communication. Etonnant lorsque l’on entend la volonté marketing de Renault envers sa marque de voiture de sport d’en faire un équivalent de Porsche ou Ferrari…. Ce n’est pas vraiment idéal pour installer une marque sur le long terme.
– Mon entourage m’avait aussi fait remarquer « l’écurie de Ryan Reynolds », mais pense-tu réellement que les rumeurs d’une vente sont une réalité ?
La question de Sir Brown était réelle. Il n’avait pas d’informations tangible à ce moment du rendez-vous pour jouer à un jeu d’échange comme à son habitude. Ce que remarque immédiatement Canik, qui esquisse un sourire.
– Je ne pense pas. Mais je pense qu’il y a un plan par contre.
Un plan ?
– Le plan est ambitieux. Luca di Meo, le patron de Renault SA, a eu un entretien avec son homologue de Geely Group, Eric Li au moment de la signature de l’accord Horse Powertrain le 31 Mai. Geely est propriétaire de Lotus Cars, Volvo etc…
– Actionnaire d’Aston Martin aussi…
– C’est un groupe important, avec une vision industrielle qui inspire beaucoup les constructeurs occidentaux. Il a d’ailleurs lancé des satellites pour concurrencer Space X avec Starlink. Eric Li a demandé à Di Meo si l’écurie Alpine était à vendre, selon toute vraisemblance. Afin de faire revenir Lotus en F1.
Sir Richard Brown ne pu retenir son étonnement.
– Geely a mis en bourse à New York, la société Lotus Technology, en début d’année pour financer son développement. Mais, l’action est trop volatile, elle a perdue 40% depuis son introduction. Mon fond a refusé d’investir dans le projet pour le moment. La capitalisation actuelle est de 5,2 milliards de dollars. Une nouvelle stratégie s’impose pour soutenir le projet de gamme électrique premium sportif que Geely souhaite pour Lotus. Viser 150.000 ventes par an d’ici 2030 est ambitieux.
– La Formule 1, en ferait résonner l’histoire, même si Lotus Cars et Team Lotus ne sont plus des sociétés communes depuis 40 ans, donnera un échos certain. Le nom est plus important que les détails…
– Affirmatif et cela pourrait satisfaire tout le monde sur le papier. Mais ce n’est pas vraiment le projet qui va se dessiner à l’avenir Richard. L’ambition de Geely n’est pas de racheter Alpine, mais plutôt d’acheter une autre écurie du plateau et ensuite reproduire la stratégie de Lawrence Stroll avec Aston Martin depuis 2021.
Sir Richard Brown pose délicatement sa seconde tasse de café. Cela suffira pour le moment. Le récit d’Eric Canik dessine une nouvelle opportunité : Celle de l’arrivée d’un constructeur automobile ayant une image connue en F1 et une alliance technique.
– Tu veux dire qu’Alpine pourrait vendre son châssis et son moteur, comme Mercedes l’a fait avec Aston Martin en 2021, tout en respectant les réglementations du moment. Cela avait permis à Stroll de construire son écurie, avec une nouvelle usine à Silverstone, renforcer son personnel et construire une nouvelle image avec l’embauche de Sebastian Vettel et ensuite de Fernando Alonso.
– Oui Richard, Liberty Media souhaite stabiliser les écuries actuelles, l’heure n’est pas à ouvrir à une 11ème ou 12ème écurie. Mais bien de renforcer le présent. Pour obtenir plus de partenaires, il faut une marque F1 forte. Ainsi les constructeurs automobiles sont de retour, Audi est l’exemple qui est présenté comme l’axe à privilégier. Donc si Lotus rachète Haas, par exemple, cela aurait du sens.
– Mais cela va considérablement affaiblir Ferrari dans le jeu économique et technique.
Sir Richard Brown avait raison.
– C’est ainsi, je pense, que la cible sera l’usine de Faenza, pour affaiblir Red Bull.
Une cible logique, estima Sir Richard Brown. Depuis plusieurs mois, le sujet d’être propriétaire de deux écuries compliquent les discussions d’avenir pour Liberty Media. Il y a eu beaucoup de pression l’an dernier et les autrichiens ont obtenu un sursis. Toutefois, les récents développement de l’écurie laisse penser à la création de valeur pour une vente future à l’horizon 2026.
Il était 11h18, la fin du rendez-vous avait sonné par l’annonce de l’embarcation pour Heathrow d’Eric Canik.
Avec les rumeurs autour du constructeur français, il était évident qu’une nouvelle spirale infernale se dessinait pour contrer les bruits. De proie, Enstone se transformera t’il en prédateur pour les prochains mois ? La mission du management actuel est peut-être bien basée sur un plan.
Spygate est une série dérivée des romans de la série Cercle Concorde et Mimèsis. Sir Richard Brown est un personnage de ses histoires, évoluant en Formule 1. Ancien esption du MI6, il évolue dans l’univers de la F1 depuis les années 90. Eduqué, ayant fait des études à Cambridge, au moment de l’affaire des 5 de Cambrigde. Entre réalité et fiction Spygate est une nouvelle narration de l’information.