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L’un et l’autre sont désormais indissociables dans l’histoire de la Formule 1, quelques semaines après la série, critiqué en bien et en mal de Netflix sur Ayrton Senna, Canal + sort un documentaire en six épisodes sur la carrière d’Alain Prost. Le temps de deux semaines, afin de plonger dans l’histoire du pilote quatre fois champion du monde de Formule 1 (1985/1986/1989/1993), avec cette idée que derrière le champion, l’homme est différent. Différent dans ses ambitions, ses attitudes, ses passions, ses convictions. Une plongée dans l’intimité du le seul champion du monde de Formule 1 français, âgé de 68 ans. Au point de se demander, après le visionnage, mais pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? les raisons sont justement abordés. Le pourquoi.
Six épisodes uniquement basés sur l’histoire de la carrière de pilote, débutant en karting en 1970 au cours de vacances à Antibes. Le bras dans le plâtre et ses illusions de devenir footballeur professionnel s’évanouissant pour faire plaisir à ses parents, afin qu’il fasse une activité avec son frère Daniel, fan de sport automobile. Ce sera une révélation. Le début de la légende que tout le monde connais. Pourtant le premier épisode débute dans l’intimité de l’atelier de vélo d’Alain Prost. Les outils soigneusement disposés, les vélos propres, réglés et consciencieusement vérifiés. Le Professeur reste le professeur. L’homme de la mise au point. Du détail. Le vélo. Sa vraie passion en réalité qui roule à travers les épisodes matérialisant la véritable route d’Alain Prost à travers son histoire. Prost avance, avale les kilomètres avec des difficultés de terrain ou non, il est heureux et le montre. Le vélo, ce sport qui, comme la Formule 1 est un sport ou l’on est seul avec sa machine, dépendant des éléments et de la mécanique. Un lien d’affiliation évident.
Au nom des frères
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Les images d’archives familiales d’Alain Prost, enfant et adolescent, les témoignages de sa mère, l’importance de la grand-mère Victoria, l’Arménie en toile de fond et le génocide touchant la famille, les parents artisans dans l’atelier de frabication de meubles, à Saint-Chamont, rien ne prédispose à Alain Prost au destin qu’il lui a été promis. Il était un garçon comme les autres, comme l’on été nos pères nés dans les année 50/60. Il avait des rêves, l’écoles allait jusqu’au certificat d’étude et la majorité était à 21 ans, cela est bien accentué, peut-être trop d’ailleurs. Et Daniel, son frère en ombre à l’arrière-plan. Finalement, Alain Prost a réalisé sa vie par procuration. Pourtant il n’a aucun regret, mais précise qu’il ne referait pas la même histoire. Lorsque sa fille Victoria lui demande s’il referait ce qu’il a fait, Prost répond simplement, « non car je l’ai déjà fait. » une réponse accompagnée d’un sourire, mais qui cache la réalité présentée dans ce documentaire : un destin au nom du frère.
Dans l’ensemble les six épisodes sont de hautes factures, avec les témoins de cette époque. Voir Ron Dennis, Jo Ramirez (tellement rares dans ce genre d’exercice), Damon Hill, Patrick Faure. Dès l’épisode 4, Alain Prost est sur un divan, le temps de la confession s’installe sur les années Senna et sa fin de carrière, le temps des regrets ? Indissociable de sa vie. Honnêtement, Alain Prost l’avoue, il ne peut pas occulter Ayrton Senna de sa carrière et de sa vie. Sinon il y a un trou inexplicable. Nous sommes d’accord avec cela. Avec le temps passant, finalement Alain Prost est fier de ce qu’il a réalisé. Une phrase résume assez bien un homme qui n’a jamais aimé les commémorations : « qu’est ce qu’il vaut mieux ? 7, 8 ou 9 titres gagnés de manière banales…ou avoir rencontré quelqu’un « d’assez spécial », de s’être battu contre lui et de rester 30 ans après dans l’histoire de notre sport ? », il est vrai aussi qu’il a raté 5 titres dans sa carrière. En réalité, le documentaire est en deux parties. La première est au nom de Daniel, le frère disparu en 1986, à l’âge de 32 ans des suites d’un Cancer. Le titre de 1986 était pour lui. Le frère de sang, en arrière-plan, motivant, une histoire triste aussi, car secrète. Puis la deuxième partie du documentaire montre que Prost a perdu un frère de sang, mais a gagné un frère ennemie, avec Ayrton Senna.
Ron Dennis résume assez bien la période Prost/Senna en disant : » lorsqu’on est dans sa réalité, c’est le pire côté que l’on montre. » La fin du documentaire est une suite de regrets et d’excuses. Une analyse profonde et des confessions. On est spectacteur du pardon. Mais nous voulons savoir. D’accord, Alain Prost parlait beaucoup à l’époque, utilisait les médias comme une arme, mais souvent elle se retournait contre lui. Il faut aussi comprendre que cette époque était unique dans l’histoire de ce sport. Entre 8 et 10 millions de personnes regardaient les Grand Prix en France, on faisait des UNES de journaux nationaux sur Prost et Senna. Lors de son éviction de Ferrari, « Prost OUT » s’étalait sur les manchettes des journaux. Alain Prost était aussi invité à 7/7 de la journaliste Anne Sinclair sur TF1 était l’émission du dimanche soir la plus regardé, avec 12 millions de personnes devant l’écran chaque semaine. Prost était invité, au même titre qu’un homme politique de premier rang. La France mettait en avant son champion, mais ne le soutenait pas toujours. L’état d’esprit étant celle des promesses et non au champion, Prost c’était l’époque de l’équipe France et Platini, une France qui gagnait de manière romantique et avec passion et haine.
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Une dernière et douloureuse danse
Finalement, durant sa longue carrière, Alain Prost a plus eu de regrets que de bonheurs concernant la presse et les médias en France. Un je t’aime moi non plus usant et destructeur pour l’image futur (l’aventure Prost Grand Prix, qui n’est pas abordé dans le documentaire). Il est intéressant de voir Jean-Louis Moncet, Lionel Froissart, Maurice Hamilton et des images de Pierre Van Vielt, apportant leur souvenirs et de la profondeur au récit.
Arrive la saison 1993. La dernière de la carrière et l’objet de deux épisodes (surprise), ou la douleur est encore audible dans la voix du quadruple champion du monde. La monoplace difficile, l’écurie qui ne voulait pas vraiment de lui avec le management froid de Williams, Renault qui estimait avoir effacé la dette de 1983, la relation avec Ayrton Senna qui évolue durant toute la saison, de la haine, à l’amitié. Les petites phrases, bref un flot de paroles qui a desservit Prost sur la fin. Un quatrième titre acquis dans la douleur et le doute. Dans l’omerta de la conception d’une monoplace déjà compliquée. Avec l’arrière-plan Imola 1994 et la Williams FW16. Si j’avais piloté cette monoplace…Cette partie est la plus touchante, les images lourdes de sens, l’émotion présente et n’est pas feinte, bien que s’adressant à la fan service. Détaillée, riche en archives. La conclusion d’une histoire. La fin d’un monde. La fin du monde de Prost.
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La saison 1993 est le symbole de la carrière d’Alain Prost : seul. Seul champion du monde de Formule 1 français, seul quadruple champion du monde de l’histoire pendant 8 ans. Seul recordman du nombre de victoire pendant 10 ans. Seul survivant du duel avec Senna, seul témoin de son propre récit. La solitude d’un homme qui avance avec sa famille (beaucoup mise en avant). La douleur s’installe, l’émotion aussi. On est touché par l’ensemble. Les débuts ou pendant deux ans, il économise son argent de poche pour acheter son premier karting (700Fr), l’obtention de son volant Elf, où il était à l’armée et qu’il était secrétaire d’un gradée et qu’il réalisait lui-même ses permissions. Le fait qu’il ait demandé d’avoir un budget au lieu d’un simple volant dans une écurie, le refus de la F2 au profit de la F1. Il reste un enfant de son époque, celle des 30 glorieuses, partie de pas grand-chose, dans une France orpheline de son passée et à la recherche de héros pour maintenir sa grandeur. Les années 80 étant le dernier reliquat de cette tendance. Le mythe s’installe alors et c’est tant mieux.
On peut regretter l’absence de légèreté, comme lorsqu’il parle avec affection de Niki Lauda et de l’importance que le triple champion autrichien a eu pour sa carrière. Le ton est au drame. Une brève allusion sur Prost Grand Prix, qui n’est pas abordé. Hormis Damon Hill, unique témoin de son époque (ayant eu Mansell, Prost et Senna comme équipier), le récit manque de coéquipier. Toujours seul. Pourtant, Alain Prost n’était pas sans humour chez Ferrari et chez McLaren. Mansour Ojjeh, patron de McLaren et TAG Group, avait raconté qu’après la victoire lors du GP du Brésil 1984, Prost, et les frères Ojjeh avaient fait nuit blanche dans un night-club. Puis au petit matin, Mansour Ojjeh accoste un taxi et raconte au chauffeur qui est Alain Prost. Le chauffeur impressionné cède alors son volant à Prost qui conduit à travers les rues d’un Sao Paulo qui commence à s’éveiller à une vitesse que la pauvre VW Coccinelle n’avait probablement jamais atteinte de sa vie. Arrivée devant l’hôtel, le groom ouvre la porte…au chauffeur de taxi. Alain Prost sans chichi était sorti normalement. Cette histoire illustre assez bien tous les récits qui entourent Alain Prost et c’est tant mieux. Le principal regret est que ce documentaire arrive trop tard dans le temps. Il aurait dû être fait il y a dix ans. Il le méritait. Il le mérite toujours. Toutefois, l’image du héros des années 80 s’étant dégradé dans les années 90, Alain Prost n’était pas apprécié par les français. Enclin à la critiques et satisfaits de ses échecs. Le temps adoucit tout, disait Voltaire. Alain Prost mérite mieux. Après le visionnage de ce documentaire transpirant l’honnêteté intellectuelle (ce n’est pas le Professeur pour rien), la fierté et le respect sont les sentiments qui dominent. Une réussite.
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